Made with racontr.com

faits maison

SOUS-TITRES

 

EPISODE 1

EPISODE 3

EPISODE 4

Regarder des séries il y a quelques années, c’était se poser un vendredi soir dans son canapé pour ne pas rater 24 heures chrono à la télévision. Malheur si vous loupiez l’épisode en question, le DVD ne sortirait que dans quelques mois et la rediffusion était un concept peu fiable en cas d’addiction. Aujourd’hui, avec l’essor d’Internet, on parle séries, on analyse séries, on pense séries.  

Grâce aux sites de streaming et de torrent, hors de question d’attendre que nos shows préférés soient diffusés par les chaînes françaises, souvent un an après son pays d’origine… parfois même jamais.

Les fansubbers étant bénévoles, ils ne peuvent pas obtenir un épisode avant que celui-ci ait été diffusé. Il faut alors attendre que les “raw” (un épisode brut, en version originale, diffusé comme tel comme dans son pays d’origine) soient disponibles au téléchargement pour pouvoir commencer à sous-titrer.

Prenons l’exemple de la série New Girl diffusée le mardi soir aux États-Unis, à 20h à Washington. S’il dure une heure, il sera ainsi téléchargeable le mercredi vers deux heures du matin à Paris.

L’organisation de la traduction d’un épisode dépend ensuite des équipes ou des traducteurs indépendants. Il y a généralement cinq ou six phases dans la traduction d’un épisode.

Certaines teams arrivent à sortir leurs sous-titres à J+1/J+2. Thibault, qui fait partie de la “One Man Team”, se donne le délai d’une semaine entre la diffusion de l’épisode et la sortie des sous-titres.


1

SYNCHRONISATION Le sous-titre (qui sera disponible au format .srt) est re-synchronisé pour les autres versions de vidéos existantes. Si le spectateur télécharge des sous-titres et une version de l’épisode qui ne sont pas en adéquation, il aura affaire à un “décalage” entre la vidéo et le texte.

Bien qu’amateur, le fansubbing s’inscrit dans une hiérarchie particulière. Les traducteurs sont soit indépendants, soit dans une équipe, une “team”.

Chaque team s’occupe d’une ou plusieurs séries, après l’avoir indiqué à l’avance sur des sites comme Usub, Forom, Subfactory ou Seriessub. “Pour éviter la concurrence entre traducteurs des sites sur lesquels je participe, un système de réservation est mis en place, et les intéressés peuvent toujours demander à rejoindre une team qui a réservé une série si la série l’intéresse”, détaille Thibault, fansubber de l’anglais vers le français depuis 2011, présent sur USub.

Ces forums permettent aussi aux “teams” de s’organiser, se répartir les tâches et ensuite de diffuser leurs sous-titres.


Certaines de ces équipes sont même reconnues pour la qualité de leur travail, ou pour leur fidélité à une série en particulier. Ainsi, “La Fabrique” traduit entre autres Game of Thrones, “Les Bisounours” s’occupe de Teen Wolf, et la “Toinety Team” a proposé pendant des années des sous-titres pour The Vampire Diaries.



UNE HIERARCHIE BIEN ETABLIE

UNE ORGANISATION DIGNE D'UNE RUCHE


Au sein d’un collectif, les membres se répartissent sur plusieurs postes: synchronisation, traduction, relecture… Une division du travail nécessaire pour garantir une qualité et une rapidité de traduction optimales. “Certaines équipes sont assez bien fournies en membres. D’autres sont plus réduites. D’autres, encore, travaillent seuls (avec, cependant, toujours une phase de relecture canapé par un tiers)”, précise Thibault.


CONCURRENCE EFFRENEE


Stéphanie, étudiante de 25 ans, traduit des films et séries coréens.

“Il existe de la concurrence à cause de ce qu’on appelle les “doublons””, explique-t-elle, “quand plusieurs teams prennent le même projet.” “Pour les k-dramas [séries coréennes], c’est la folie avec les épisodes du format 16-20 épisodes d’une heure. Toutes les teams veulent les traduire, surtout quand il y a des acteurs connus ou des stars de la k-pop [genre musical coréen].

Dans ce cas, il faut traduire les épisodes le plus vite possible pour que les fans viennent les voir chez nous, sinon on a un peu l’impression de travailler pour rien”, constate-t-elle.

“C’est surtout ainsi avec des teams plus jeunes. Les plus anciennes prennent généralement des dramas sur lesquels personne ne travaille, ou décident d’avancer à leur rythme car elles ont une certaine réputation, donc elles savent que les gens iront les voir pour la qualité de leur travail”, tempère la traductrice amateure. 

alt
alt

SUITE

RETOUR

alt

Que les sous-titres soient intégrés dans une vidéo ou qu’ils soient téléchargés à part, le fansubbing reste une pratique illégale.

“La traduction d’une oeuvre sans le consentement de l’auteur de l’oeuvre traduite est une contrefaçon. (T. civ. Seine, 27 mai 1914 : Ann. propr. ind. 1915-1919, 2, p. 9). Seul l'auteur est en droit d'autoriser la traduction de son oeuvre et de choisir laquelle il valide parmi plusieurs choix possibles. Le fait de traduire une oeuvre sans autorisation des auteurs ou ayants droit constitue une violation de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, et la diffusion non autorisée de l'oeuvre incrustée de ses sous-titres porte atteinte au droit de reproduction (et de représentation)”, écrit en juillet 2015 Audrey Lebois, professeur de “droit de l’internet” à l’Institut d’études politiques de Rennes .


"ON FAIT TOURNER L'ECONOMIE COREENNE"

Stéphanie, qui fansubbe des séries coréennes, reconnaît que sa pratique ne respecte pas la loi, mais nuance : “En effet, il y a des copyrights sur les vidéos, l’avantage c’est que les dramas sont rarement licenciés en français donc je pense que ça permet quand même aux compagnies coréennes de toucher un public qu’elles ne toucheraient pas normalement grâce au fansub… on fait tourner l’économie coréenne aussi”.


Le monde du fansubbing est donc très loin de s’inquiéter de la légalité de ses activités.  Pour l’instant, aucun forum ou site n’a dû faire face à de sérieuses poursuites judiciaires pour ses activités de traduction.

Les sites de torrent ou de partage de vidéo comme le défunt Megavideo en 2012 ont connu des ennuis notamment pour l’hébergement d’un  contenu audiovisuel.  

“Delphiki”, administrateur du forum francophone U-sub a dû retirer en mars 2010 un certain nombre de séries du site (Gossip Girl, Friends..) sur demande de l’hébergeur.  Dans un message adressé  aux membres, il précise néanmoins que l’interdiction sera contournée puisque les sous-titres seront “mis à disposition ailleurs”. Le forum n’a pas été inquiété par la suite.

Maxime Valette a créé fin 2007 le site BetaSeries, un outil numérique pour gérer ses séries qui compte plus de 700 000 membres et qui propose des sous-titres en format .srt à ses utilisateurs. “Nous n’avons jamais eu de problèmes avec les diffuseurs ni même de demandes de leur part”, affirme-t-il quant à lui.

alt

EPISODE 6

EPISODE 2

EPISODE 5

SYNCHRONISATION  Pour les plus expérimentés, synchronisation de la partie qui leur est destinée (donc caler les futurs sous-titres sur les répliques des personnages, comme l’explique le forum U-Sub dans son guide pour subbers). Ils devront également se charger de synchroniser les parties des traducteurs débutants qui n’ont pas les connaissances nécessaires.

RECUPERATION/DECOUPAGE Récupération du transcript et pour certaines équipes, découpage de l'épisode en parties. Tout dépend du nombre de membres qui seront en charge de l’épisode en question.

TRADUCTION. Les traducteurs utilisent un logiciel (comme aegisub ou VisualSubSync) et se basent sur les sous-titres en VO (la plupart du temps en anglais). “C’est très important de traduire avec la vidéo en parallèle car cela permet de voir qui parle, d’adapter les tu/vous, les marques du féminin/pluriel, qui ne se retrouvent pas dans la version anglaise” explique Stéphanie qui traduit des séries coréennes. “En général, je mets entre 1h30/2h pour traduire un épisode de 30-35 minutes, et trois heures environ pour traduire un épisode d’une heure” ajoute t-elle. Les parties sont ensuite relues et fusionnées.

RELECTURE Un relecteur général se charge de relire l’épisode en entier et corrige les erreurs restantes. Il harmonise les termes d’un même épisode et vérifie qu’ils sont en concordance avec les épisodes précédents. Pour éviter les différences, Stéphanie note sur un fichier les termes qu’elle emploie d’épisode en épisode. “Je note la traduction pour reprendre la même à chaque fois.  Par exemple au niveau des quartiers, en Corée – même si on est francophone – on a tendance à utiliser les termes anglais, comme “Han River” et non la “rivière Han””.



RELECTURE CANAPE Si un membre est disponible, il s’occupe d’une relecture canapé : il visionne l’épisode en entier “comme un spectateur normal” et se charge de relever une nouvelle fois les coquilles ou erreurs existantes.

2

3

4

6

5

Réalisé par Marie-Caroline Cabut & Liv Audigane

EPISODE 3

EPISODE 4

EPISODE 6

EPISODE 5

EPISODE 1

EPISODE 2

EPISODE 3

EPISODE 4

EPISODE 5

EPISODE 6

EPISODE 1

EPISODE 2

EPISODE 3

EPISODE 4

EPISODE 5

EPISODE 6

alt

"TU NE SAIS RIEN, JEAN NEIGE"

UNE PASSION INGRATE

DANS L'OMBRE DE LA LEGALITE

Malgré son utilité aux yeux des spectateurs, le “fansubbing” n’est pas apprécié de tous. Les traducteurs professionnels voient d’un mauvais oeil cette pratique, qualifiée de “sous-titrage sauvage” par la loi française.

Lina, traductrice audiovisuelle freelance depuis 2008, la trouve “en majorité de mauvaise qualité”. “Les fansubbers ont une maîtrise de l’orthographe et de la grammaire souvent médiocres. [...] Ils ne connaissent pas les contraintes du sous-titrage, le nombre de caractères à respecter, le placement des sous-titres, ne respectent pas les changements de plan, ne savent pas où couper les sous-titres sur deux lignes, etc.”, développe-t-elle.


Le "Tu ne sais rien, Jean Neige", réplique d'Ygritte à Jon Snow dans Game of Thrones, est par exemple devenu un meme. “En outre, ils ont aussi souvent une grande méconnaissance de l’anglais, des structures de phrase, de la culture des pays, des expressions figées, et une culture générale finalement assez pauvre”, continue la traductrice.


Son statut de professionnelle lui garantit également de meilleures conditions de traduction. Dans le cadre d’une diffusion d’une série sur une chaîne française à J+1 ou 2 par rapport aux Etats-Unis, elle reçoit les épisodes un peu avant la diffusion américaine.


A ses yeux, il n’y a donc “pas de concurrence” entre les amateurs et les professionnels, à cause de, ou grâce aux défauts du fansubbing. “Un non-pro ne fera jamais aussi bien qu’un professionnel payé pour ça, qui prend le temps de faire ses recherches et est réellement passionné par la langue, la culture d’un pays, et pas seulement par une série”.

Plutôt que la traduction amateure, elle pointe du doigt “le téléchargement et la multiplication des offres”. “Les distributeurs n’ont pas forcément envie de payer cher la traduction, et les tarifs baissent continuellement”, constate-t-elle.


alt

FANSUB VS. FASTSUB


Dans les critiques formulées par Lina, on retrouve celles adressées par les fansubbers aux… fastsubbers. La nuance est obscure à l’oeil néophyte. La différence est pourtant de taille. Les deux catégories de traducteurs amateurs ne travaillent pas sur la même temporalité.

Le but des fastsubbers est de proposer une traduction le plus rapidement possible, de préférence le lendemain de la sortie d’un épisode en version originale. Les fansubbers, eux, “mettent en moyenne une semaine pour revoir la synchronisation, traduire et sortir les sous-titres”, explique Thibault. “La seule concurrence [avec les fastsubbers] est là-dessus: ils le sortent vite et corrigent après, on tente de sortir un truc propre du premier coup. Chaque façon de faire a ses avantages et ses désavantages”, conclut-il.

Les fansubbers revendiquent donc une qualité de traduction supérieure. Subfactory dédie ainsi un sujet entier aux normes auxquels les sous-titres doivent répondre: la traduction doit respecter les registres de langage, ne pas être littérale, cohérente dans les choix (tutoiement/vouvoiement par exemple), la césure des lignes doit être correctement effectuée, etc. Usub propose également un “guide du sous-titrage amateur” de 65 pages, à destination des jeunes en formation.

Ces “Juk’qi”, ou “padawans” selon les sites, sont des apprentis subbers qui font progressivement leurs armes au sein d’une équipe. Lors de cette formation qui dure quelques mois, ils sont parrainés par des membres plus expérimentés.

SUITE

RETOUR

RETOUR A L'ACCUEIL

alt

EPISODE 1

EPISODE 2

EPISODE 3

EPISODE 4

EPISODE 5

EPISODE 6

Le temps et la passion sont les deux qualités indispensables du fansubber. 

Le site d’hébergement et de traduction participatif addic7ed demande par exemple à ses sous-titreurs d’être disponible le matin suivant la diffusion de la série.

Un fansubber traduit en général des séries que lui-même regarde. Stéphanie, dont nous avons parlé précédemment, fait des études en Belgique pour devenir professeur de français et d’espagnol. Elle traduit environ une dizaine d’épisodes (de 30-35 minutes) par semaine, soit une heure de travail pour chaque.

“Mais bon, je ne fais pas ça pour l’argent ni pour la reconnaissance, c’est surtout par passion, j’aime vraiment beaucoup traduire et j’aurais bien aimé en faire mon métier. Je ne sais pas combien de temps je vais encore en faire, je serai bientôt diplômée et je pense qu’une fois entrée dans la vie active, cela sera plus dur à gérer…”, confie t-elle.  


L'EXIGENCE DU SPECTATEUR


Beaucoup de travail pour un public généralement peu reconnaissant. Les fansubbers n’échappent pas aux spectateurs impatients et pointilleux.

Emilie, étudiante en biologie de 20 ans s’est mise au fansubbing après avoir constaté que certains sous-titres des séries qu’elle regardait étaient mal-traduits: “Ça faisait mal aux yeux ! J’ai un bon niveau d’anglais et j’étais curieuse de voir comment ça se passait. Du coup maintenant pour avoir été des deux côtés je comprends aussi bien les gens qui attendent les sous titres que ceux qui traduisent !” La jeune femme aimerait par la suite s’investir davantage dans le fansubbing, une activité qui lui est limitée par ses heures de cours.


Thibault, qui sous-titre des séries comme Vikings ou Ripper Street, conclut qu’après tout ce temps, l’apprentissage de la traduction n’est jamais terminé: “Quand je vais au cinéma ou quand je regarde des séries sous-titrées à la télé, je regarde ce qu’a fait l’adaptateur et qui pourrait m’être utile.” Son métier dans la “vraie vie” ? Traducteur, toujours. FIN


EPISODE 1

EPISODE 2

EPISODE 3

EPISODE 4

EPISODE 5

EPISODE 6

Trouver l’épisode voulu, un jeu d’enfants. La tâche peut se révéler plus délicate pour les sous-titres. Les anglophones seront toujours avantagés… Pour les francophones, c’est parfois une attente de quelques jours, parfois insupportable dans un monde où le spoiler peut surgir à tout moment. Pour les shows les plus regardés, comme Game of Thrones ou Breaking Bad, c’est la course à la traduction.

Qui sont alors ces “héros” quotidiens de la traduction, qui ont réussi à démocratiser l’univers des séries, le rendant ainsi accessible à tous ? On les appelle les “fansubbers”. Bolides de la traduction en trois clics de souris ou élèves appliqués, ces bénévoles doivent se heurter à l’intransigeance d’un public et à l’illégalité de leur pratique.


“Tu as regardé le dernier épisode de The Big Bang Theory ?”

alt

EPISODE 1

EPISODE 2

EPISODE 3

EPISODE 4

EPISODE 5

EPISODE 6

DU RAW AU .SRT

MENU

NAVIGATION

NAVIGATION

NAVIGATION

NAVIGATION

NAVIGATION